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"LE GRAND COURS"
(durée totale: 2h – 6 vidéos + d’autres surprises)

 

La réforme FFT des moins de 12 ans: révolution ou utopie?

A l’occasion du tour de France de la direction technique nationale de la FFT, j’ai eu l’occasion d’assister à la présentation de la réforme des moins de 12 ans concernant la formation des jeunes joueurs de tennis.

Réforme tennis

Arnaud Di Pasquale, nouveau directeur technique national a présenté son nouveau projet bâti autour de deux grands axes: l’excellence pour atteindre le haut-niveau et la formation des jeunes.

Quels sont les points forts et les points faibles de cette réforme? Peut-on s’attendre à une vrai révolution dans l’enseignement du tennis?

Présentation des nouvelles orientations de la réforme FFT pour le parcours de l’excellence sportive

Selon la façon de voir les choses, on peut dégager du haut-niveau actuel de nos joueurs et joueuses français un côté positif (avec la présence  depuis plusieurs années de Gasquet, Tsonga, Simon ,Monfils parmi l’élite et la récente victoire de Bartoli à Wimbledon) ou un côté négatif (pas de top 5 chez les messieurs, la traversée du désert pour nos joueuses, ou l’absence de titre majeur).

L’idée n’étant pas de tourner la page sur ce que sont en train de faire les joueurs français mais d’envisager la relève avec une ambition revue à la hausse pour aller chercher dans un futur proche, des victoires en grand chelem, en coupe Davis et en Fed Cup ou des podiums aux jeux olympiques.

Voici les mesures qui seront prises en compte dans l’application de cette réforme:

  • Déterminer des temps de passage à atteindre à 14, 16 et 18 ans en se basant sur des références internationales. Autrement dit être en mesure d’évaluer précisément le niveau du joueur sur le plan tactique, physique et mental pour permettre l’accession au plus haut niveau.
  • Simplifier le parcours de l’excellence sportive en dissociant  deux périodes de formation du joueur: les 15 ans et moins et les 16 ans et plus. L’objectif est de d’éviter de faire vivre aux jeunes en formation trop d’étapes dans le cursus d’accession au haut-niveau. Le constat a été établi qu’en multipliant les changements de structures et d’entraîneurs, le joueur perdait souvent beaucoup de temps (de l’ordre de plusieurs mois à chaque changement !) pour se réadapter à son nouvel environnement
  • Encourager la pratique du jeu en extérieur: puisque la majorité des tournois du circuit pro se jouent dehors, cela me parait être une bonne idée que d’inciter à jouer dehors en priorité. Le jeu en extérieur requiert beaucoup plus d’adaptation face aux conditions (chaleur, vent, soleil…) et devrait permettre de former des joueurs plus complets.

Enseignant dans une région où la pluie et le froid sont présents une bonne partie de l’année, je remarque que cela devient une habitude de jouer en intérieur en priorité y compris par très beau temps (oui cela arrive quand même !). Je suis souvent surpris par certains joueurs qui jouent volontairement dedans même en été par un grand soleil. Plus de confort, plus de repères en indoor mais tellement moins riche à mon sens que de pratiquer le tennis en extérieur.

  •   Privilégier le jeu sur terre-battue: bonne idée en théorie puisqu’il est plus facile pour un joueur de passer de la terre-battue au dur que l’inverse. La terre, plus lente, permet au joueur d’aiguiser son sens tactique, de construire le point et de développer des qualités physiques supérieures puisque les points sont en moyenne plus longs que sur des surfaces plus rapides.

C’est un aspect assez intéressant de la réforme même si cela ne pourra se faire dans la réalité qu’au niveau fédéral et régional. Au sein des clubs, il n’y aura pas de révolution sur ce point puisque chaque club ne dispose pas de courts en terre-battue; à moins que des subventions ne soient prévues pour la construction de courts en terre?

 
 

Le pilier du projet: la réforme des moins de 12 ans

C’est surtout sur cette partie de la réforme que des changements profonds vont avoir lieu.

2 objectifs sont mis en avant:

  • la fidélisation des jeunes
  •  l’augmentation du nombre de compétiteurs

Cette réforme pour la formation des jeunes de moins de 12 ans fait suite à l’établissement de 4 constats:

Le mois de naissance est important au tennis

Déformation professionnelle, je connais pratiquement l’année de naissance de tous les élèves de mon club mais cela ne sera plus suffisant: désormais, il faudra aussi que j’y ajoute le mois de naissance pour savoir l’âge réel des enfants.

Pour cause cette étude menée auprès des jeunes qui ont réussi à intégrer le programme avenir national, 76% d’entre eux sont nés au cours du premier semestre de leur année.

Cela veut dire que pour deux enfants nés la même année, celui né au cours du premier semestre a beaucoup plus de chances d’être dans les meilleures de son année que celui né au second semestre.

Peu de licenciés de moins de 12 ans jouent en compétitions

Élitiste la pratique de la compétition au tennis chez les plus jeunes? Tout pense à le croire puisque chez les moins de 12 ans, seulement 18000 enfants pratiquent la compétition sur 64000 licenciés. Et parmi ces compétiteurs, 88% des joueurs font moins de cinq matchs par an.

Pour la plupart des enfants qui apprennent à jouer au tennis dans nos clubs, le match ne fait pas obligatoirement parti du programme. C’est une réalité et certains enfants venant d’autres pratiques sportives (sports collectifs notamment) sont assez surpris de ce fonctionnement ou on peut très bien passer 3 ans (ou plus ! )à l’école de tennis sans disputer le moindre match.

Est-ce une des raisons pour laquelle le taux de fidélisation après 12 ans est (anormalement) aussi bas?

 

Un système de classement qui a un impact négatif sur la formation

Le classement fédéral attribué dans les petites catégories est sérieusement attaqué puisqu’on assiste à une course effrénée au classement comme si, seul celui-ci pouvait refléter le niveau de jeu d’un joueur.

Le classement tennis est certes un indicateur, mais il est regrettable d’être parfois confronté à des discours obtus où seul le classement fait référence.

Peu d’attention et de soutien sont accordés aux « retardataires » ou à celui qui a choisi un parcours de formation différent!

Cette course au classement peut aussi rendre certains parents ingérables, tentant à tout prix de grignoter les précieux points pour monter au classement en dépit de certaines dérives (surentraînement, programme d’un top 10, discours destructeur en cas de défaite, objectif exclusif du résultat…).

De plus le classement chez les jeunes est faussé puisque les jeunes compétiteurs qui font un grand nombre de matchs dans une saison se font monter entre eux et, de surcroît, à classement égal, la différence avec un adulte est très importante.

 

Remise en cause de la précocité 

Il y a une forte remise en cause de la précocité dans la détection des jeunes puisque, être dans les meilleurs jeunes ne garantit pas d’être dans les meilleurs à l’âge adulte. Par exemple, peu de numéro 1 français à 12 ans se retrouvent dans le top 100 (moins de 8% !).

D’où l’idée de ne plus sélectionner trop tôt et d’élargir la base de joueurs pour donner la chance à certains joueurs, moins matures que d’autres au même âge, d’envisager de devenir champion.

Le propos n’est pas non plus celui de dire qu’un jeune doit se priver de belles victoires tant celles-ci sont importantes pour l’estime de soi, mais plutôt de se dire que la victoire n’est pas le seul objectif à viser. Modération et bon sens de rigueur !

C’est 4 constats ont amené les modifications suivantes et, dés cette année, sera appliqué:

  • la suppression du classement administratif pour les 9 ans et moins
  • la suppression des championnats départementaux et régionaux pour les 8,9 et 10 ans
  • la suppression des championnats de France inter-ligues 10 et 11 ans
  • la suppression des championnats individuels 12 ans
  • l’officialisation de la compétition à âge réel
  • la création d’un challenge inter-ligues  10 ans
  • la création d’un challenge national 11 ans deux fois dans l’année (juin et décembre)
  • la création d’un championnat de France inter-ligues 12 ans
  • la création d’un championnat de France individuel 13 ans
  • l’intégration en pôle France à la fin de la treizième année

A ces changements, viendront s’ajouter l’officialisation des formats courts et l’importance accordée au jeu en double et aux résultats d’équipes.

 

 

Deuxième phase de la réforme des moins de 12 ans: les clubs au centre du projet

A partir de septembre 2014, le gros dossier de la réforme des moins de 12 ans impactera plus directement les clubs.

Une profonde remise en cause du processus de formation des jeunes va entrer en vigueur.

Les grands axes de ce projet sont :

La découverte de l’opposition et du jeu en matchs chez les plus petits

En lien direct avec le constat déjà évoqué que la majorité des enfants apprenant à jouer au tennis dans les clubs ne font pas de matchs, inclure chez les touts petits la notion d’opposition dans le jeu et la possibilité de pouvoir disputer rapidement des matchs, s’inscrit dans cette démarche de rendre possible le fait de joueur en match quelque soit son âge et son niveau.

L’utilisation de matériel et de terrains adaptés et modulables facilement permet de créer des situations d’opposition pour tous.

La mise en place de 5 journées « jeu et matchs » dans le cycle annuel d’enseignement de l’école de tennis

A chaque fin de période, il sera préconisé de proposer un tournoi à TOUS les enfants de l’école de tennis. 

A ce niveau aussi, dés que cela sera possible, il conviendra de mettre en place des compétitions en prenant en compte l’âge réel des enfants.

Néanmoins, la réalité du terrain fait qu’il ne sera pas toujours possible d’organiser cinq fois dans l’année une journée « jeu et matchs » pour tous les enfants. L’adaptation se fera en réalisant un tournoi par groupe à l’heure habituelle du cours des enfants (chose que font déjà grand nombre d’enseignants depuis des années non?).

Un code couleur de terrain pour un passeport de niveau et de récompenses

Chaque enfant sera désormais classé selon le terrain sur lequel il sera en mesure d’échanger et de disputer des matchs.

Les tests de l’école de tennis avec les niveaux de balles et de raquettes de couleurs seront (encore !) supprimés et la hiérarchisation des niveaux se fera en utilisant les codes terrains suivants:

  • terrain blanc: marquer des buts en faisant rouler un ballon paille sur un terrain dans la largeur du court entre les ligne de côté de simple
  • terrain rose: sur le même terrain mais avec les couloirs, échanger avec la balle petit tennis, la balle mousse ou la balle rouge avec rebond au-dessus d’un filet de 50 cm
  • terrain rouge: dans le sens du terrain traditionnel, échanger avec rebond avec la balle mousse ou rouge
  • terrain orange: terrain intermédiaire 18 m avec balle souple
  • terrain vert: terrain traditionnel avec balle intermédiaire

L’enseignant sera chargé d’évaluer et de valider des acquisitions techniques et tactiques pour chaque enfant en situation de match.

Ce niveau validé par l’enseignant sera enregistré sur le logiciel ADOC pour tracer le parcours tennis de l’enfant.

Un système de passeport et de remise de récompenses va être remis en place pour assurer un suivi précis de chacun et susciter la notion de progrès chez les jeunes.

Et pour compléter ce dispositif, une formation à l’arbitrage, au jeu libre et au rôle des parents devrait venir compléter ce dispositif !

 

Mon point de vue critique sur cette réforme des moins de 12 ans

 

Les points négatifs:

Faire du neuf avec du vieux

On nous présente les différents ballons et balles ainsi que les terrains adaptés comme si cela était révolutionnaire alors que depuis déjà de nombreuses années, les enfants se font rouler des ballons pailles pour marquer des buts et jouent la plupart du temps sur un terrain adapté avec une balle adaptée

La réforme rend juste les choses un peu plus officielles et établit une hiérarchie dans l’utilisation du matériel mais au final, rien de bien transcendant !

La blague du terrain rose

Avoir son niveau rose ne va pas faire rêver beaucoup de garçons. Juste un détail de couleurs mais il y avait peut-être des couleurs plus neutres que le rose pour établir ce niveau.

Oui là je chipote mais beaucoup de collègues ont fait la remarque aussi !

 La complexité administrative

Cela ne devrait pas poser de problèmes aux enseignants qui travaillent dans un seul club et qui connaissent le logiciel Adoc (c’est mon cas, ouf!), mais les moniteurs qui enseignent dans plusieurs clubs, qui ne connaissent pas Adoc et qui n’ont pas d’heures administratives prévues dans leur contrat, vont avoir des difficultés à gérer l’enregistrement des niveaux de tous leurs élèves.

 Une machine à consommation

Où se procurer les ballons petits-tennis? A la centrale du club !

Où se procurer les passeports, insignes et récompenses pour chaque niveau? A la centrale du club !

Les prix sont loin d’être attractifs mais les clubs n’auront pas le choix. La machine est bien huilée.

Au service de la démocratisation mais pas du haut-niveau

Un enfant qui joue bien et qui peut être un futur bon joueur de tennis, çà se repère vite. Un bon reste un bon et de toute façon, les meilleurs jeunes sortent vite des cases.

Cette pseudo nouvelle organisation de terrain de couleurs permettra peut-être d’atteindre l’objectif de mieux fidéliser, d’être plus progressif avec l’ensemble des enfants mais je ne peux pas croire que cela puisse avoir un quelconque impact sur la formation des meilleurs jeunes et sur leur détection.

 Manque de repères avec la suppression des championnats individuels

Pour les compétiteurs, la suppression des championnats individuels départementaux et régionaux me gênent beaucoup car je considère que ces compétitions permettent de situer les joueurs sur un plan plus large que celui du club.

Chaque entraîneur a besoin de repères, de références, par exemple pour savoir qu’est-ce que le meilleur joueur de la région dans telle catégorie est capable de faire techniquement et tactiquement.

Et puis du côté des enfants, gagner un titre départemental, un titre régional, une qualification pour les championnats de France, même à 9, 10 ou 11 ans c’est sympa non? 

 

Les points positifs:

Une approche complète

Ce projet de réforme a le mérite de s’attaquer au système de formation dans sa globalité.

Les propositions sont émises dans un souci de cohérence à tous les niveaux du cursus de formation.

Les clubs, les ligues et la fédération s’unissent dans un projet commun pour permettre:

  • l’augmentation du nombre de licenciés et de la fidélisation
  • la formation des compétiteurs vers le haut-niveau

L’officialisation des journées « jeu et matchs » dans les clubs, très appréciées des enfants (et des parents !) va permettre à tous les enfants de mettre à profit ce qu’ils ont appris en cours en situation de matchs.

La volonté de placer les moniteurs de clubs, les personnes de terrain comme acteurs à part entière dans la conduite de ce projet est une bonne chose

 

Ouahh ! Je crois que c’est l’article le plus long du blog !

Et vous que vous inspirent les grandes lignes de cette réforme? Etes-vous optimistes pour l’avenir du tennis français?

 

 
 

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